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La responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant bénévole

Le 04 juin 2021
Les fautes commises par un dirigeant susceptibles d’entrainer la mise en jeu de sa responsabilité pour insuffisance d’actif sont appréciées de la même manière que celui-ci soit rémunéré ou non au titre de son mandat social.


Com., 9 décembre 2020, 18-24.730, Publié au bulletin

La responsabilité pour insuffisance d’actif, régime particulier de responsabilité propre à la procédure de liquidation judiciaire (C. com. art. L. 651-2), donne lieu à un contentieux fourni sur lequel la Cour de cassation a régulièrement l’occasion de se prononcer, bien souvent pour rappeler des solutions déjà établies.

Le présent commentaire est le second du triptyque consacré à la présentation des décisions récemment rendues par la Haute Cour en la matière.

Après avoir précisé les conditions dans lesquelles un dirigeant peut voir sa responsabilité engagée malgré sa démission antérieure aux fautes reprochées (voir sur ce point notre note d’actualité du 11 mars 2021), la chambre commerciale de la Haute Cour est venue rappeler par un arrêt du 9 décembre 2020 que l’exercice désintéressé des fonctions de direction ne permet pas au dirigeant d’échapper à la mise en jeu de sa responsabilité.

En l’espèce, une société par actions simplifiée exploitant une activité de distribution de matériels destinés à l’élevage a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, convertie par la suite en liquidation judiciaire. Le Liquidateur judiciaire désigné dans la procédure a poursuivi le président de la société débitrice sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif.

Ce dernier s’est défendu en se prévalant du caractère gratuit de son mandat de président. Il a ainsi fait appel aux dispositions du droit commun du mandat, et plus particulièrement à l’article 1992 du Code civil aux termes duquel « la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. »

Si l’argumentaire aurait pu se concevoir, celui-ci n’a pas trouvé grâce aux yeux des Juges du fond.

En effet, par un arrêt en date du 13 septembre 2018, la Cour d’appel d’AMIENS a confirmé le jugement de première instance ayant retenu la responsabilité du dirigeant et condamné celui-ci au paiement d’une somme de 500 000 €.

Le Juge d’appel a retenu que les dispositions de l’article 1992 du Code civil ne s'appliquent pas aux mandataires sociaux, dont la responsabilité est régie par les règles qui gouvernent la société qu'ils dirigent et les textes spéciaux. En l'occurrence, selon la cour, l'article L. 651-2 du Code de commerce s'applique sans distinction à l'égard du dirigeant de la personne morale qu'il soit rémunéré ou non. La gratuité du mandat de président n’est ainsi d’aucun secours pour le dirigeant condamné.

Ce dernier, insatisfait de la décision, s’est pourvu en cassation. Sans succès.

Par un arrêt publié au bulletin, la chambre commerciale a en effet approuvé le raisonnement suivi par la cour d’appel et a ainsi écarté l’application des dispositions du droit commun du mandat à la responsabilité du dirigeant social.

La décision, si elle n’est pas nouvelle (v. Com., 19 décembre 1977, 76-12.294, Publié au bulletin) est intéressante en ce qu’elle s’inscrit dans le droit fil d’un récent arrêt à l’occasion duquel la chambre commerciale avait énoncé que « les dispositions spécifiques du Code civil régissant le mandat n'ont pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant » (Com., 18 septembre 2019, 16-26.962, Publié au bulletin).

Ces décisions viennent alimenter le débat portant sur le point de savoir si les dirigeants ont la qualité de mandataires de la société et sont soumis en tant que tels aux dispositions du droit commun du mandat. Les arrêts précités conduisent à répondre par la négative.

Il semble ainsi, finalement, que le « mandataire » social n’en soit pas un.

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