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Condamnation des dirigeants d’une société cible de LBO au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif

Le 15 décembre 2020
La décision de verser des dividendes doit être prise au regard de la situation de l’entreprise et de sa trésorerie, quand bien même ces dividendes seraient affectés au remboursement d’une dette souscrite dans le cadre d'une opération de LBO.

 

Cass. Com. 9 sept. 2020, n° 18-12.444

Lorsque la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, le dirigeant peut être condamné personnellement à en supporter tout ou partie, s’il s’avère qu’il a contribué, par une ou plusieurs fautes de gestion, à la naissance de cette insuffisance d’actif (C. com. art. L. 651-2).

Une telle condamnation ne peut être prononcée qu’en cas de faute excédant la simple négligence dans la gestion de la société.

Par un arrêt en date du 9 septembre 2020, la Cour de cassation a jugé que la décision de procéder à des distributions de dividendes peut constituer une faute de nature à justifier une condamnation du dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif.

Au cas d’espèce, les versements de dividendes avaient pour objet de permettre à la société holding de rembourser la dette souscrite dans le cadre d’une opération de LBO.

Les dirigeants ont fait valoir devant la Haute Cour la nécessité pour la société cible de remonter des fonds à la holding, faute de quoi cette dernière se trouverait dans l’impossibilité d’assurer le remboursement de la dette d’acquisition.

S’il est vrai que les distributions de dividendes sont inhérentes au montage LBO, l’argument a toutefois été balayé par la Cour, selon laquelle « la décision de verser les dividendes [doit] être prise au regard de la situation de l'entreprise et de sa trésorerie, quand bien même ces dividendes devraient être affectés dans le cadre d'une opération de LBO ».

Ainsi, la circonstance que des remontées de fonds au profit de la holding s’expliquent par l’existence d’un schéma LBO n’est pas de nature à permettre au dirigeant d’échapper à une condamnation au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.

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Une telle solution peut étonner, dans la mesure où le champ de la responsabilité pour insuffisance d’actif est limité aux seules fautes de gestion commises par les dirigeants, de droit ou de fait.

Or, la décision de verser des dividendes relève de la compétence des associés, et non de celle des mandataires sociaux.

La juridiction d’appel, approuvée en cela par la Haute Cour, a pourtant considéré que les versements de dividendes étaient constitutifs d’une faute de gestion susceptible d’engager la responsabilité des dirigeants.

Cette solution, qui n’est pas nouvelle (voir Cass. Com. 25 oct. 2011, n° 10-23.671), doit être mise en perspective avec de précédentes décisions.

Il faut d’abord citer un arrêt en date du 12 juillet 2016 aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que le dirigeant qui n’invite pas les associés à réaliser une augmentation de capital commet une faute de gestion, quand bien même la décision de voter une telle augmentation relève de la compétence exclusive des actionnaires (Cass. Com. 12 juill. 2016, n° 14-23.310).

Il doit également être indiqué que la Haute Cour a pu écarter la responsabilité pour insuffisance d’actif des dirigeants d’une société objet d’un LBO aux motifs que les décisions stratégiques leur échappaient, que la mise en place du schéma de LBO obligeant la société à verser chaque année d’importants dividendes leur avait été étrangère, et qu’ils avaient engagé de multiples diligences en vue de redresser la situation de la société, en faisant notamment appel à des conseils extérieurs (Cass. Com. 16 déc. 2014, n° 13-25.028).

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Dans ce contexte jurisprudentiel, le dirigeant d’une société acquise via un schéma de LBO se doit d’agir dans le seul intérêt de l’entité qu’il dirige. Lorsque la société fait face à des difficultés financières, il peut être conseillé au mandataire social de marquer, auprès des associés, son opposition à toute distribution de dividendes.

Toutefois, de telles recommandations n’ont de sens que si le dirigeant de la cible n’est pas également associé de la holding de rachat.

Dans cette hypothèse, en effet, l’associé dirigeant devra faire face à la question délicate de l’articulation des intérêts de la société d’exploitation, dont l’actif ne doit pas être siphonné par des distributions massives de dividendes, avec ceux de la holding, qui, en l’absence de remontées de fonds, ne pourra assurer le remboursement de sa dette d’acquisition…

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