La responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant démissionnaire
Com., 7 octobre 2020, n° 19-14.291, Inédit
Les contours du régime de la responsabilité pour insuffisance d’actif continuent de se révéler au gré de la jurisprudence.
Récemment, la Cour de cassation est venue apporter de nouvelles précisions relatives au statut du dirigeant susceptible de voir sa responsabilité engagée ainsi qu’à la nature de la faute de gestion génératrice de responsabilité.
Le présent commentaire est le premier d’une série de trois consacrée à la présentation de ces récentes décisions.
A titre liminaire, il est nécessaire de rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, le dirigeant de droit ou de fait qui a commis une ou plusieurs fautes de gestion peut être condamné personnellement à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif (C. com. art. L. 651-2).
A l’occasion d’un arrêt en date du 7 octobre 2020, la Cour de cassation s’est vue soumettre la question de la faculté pour un dirigeant d’invoquer sa démission pour se soustraire à l’action en responsabilité engagée à son encontre.
Par cet arrêt, la chambre commerciale de la Haute Cour a approuvé une juridiction d’appel d’avoir condamné un gérant de SARL à supporter l’insuffisance d’actif de la société qu’il dirigeait, en dépit de la démission de celui-ci intervenue plusieurs années avant l’ouverture de la procédure collective.
Il a été considéré que cette démission n’avait pas fait perdre à l’intéressé sa qualité de dirigeant de droit, compte tenu du fait :
- D’une part, qu’il s’était abstenu d’accomplir les « diligences pertinentes pour la publication de l'assemblée générale et du changement de gérance »,
- D’autre part, qu’il avait continué à se présenter comme le représentant légal de la société, en comparant notamment en cette qualité aux audiences intervenues dans le cadre de la procédure collective.
Il est à noter que la Haute Juridiction, par un arrêt publié en date du 14 octobre 1997 (n° 95-15.384), avait jugé qu’un dirigeant pouvait valablement se prévaloir de sa démission pour s’opposer à une action en paiement des dettes sociales quand bien même aucune démarche visant à assurer la publicité de la démission n’avait été accomplie.
Sur ce point, l’arrêt sous commentaire pourrait bien constituer un revirement de jurisprudence.
En effet, si un ancien dirigeant continue d’agir comme le représentant de la société postérieurement à la cessation de son mandat social, c’est en qualité de dirigeant de fait qu’il peut voir sa responsabilité mise en jeu en cas de liquidation judiciaire (Com., 15 mars 2005, n° 03-19.577, Inédit).
Par suite, si la solution ici commentée avait pour seul fondement le fait pour l’intéressé de s’être présenté, après sa démission, en tant que représentant de la société, c’est au titre d’une direction de fait que sa responsabilité aurait été retenue.
Or, au présent cas, la chambre commerciale approuve le raisonnement du Juge d’appel qui a considéré que l’intéressé avait toujours, malgré sa démission, la qualité de dirigeant de droit.
Il semble ainsi que la démission qui n’a pas fait l’objet des formalités de publicité requises soit sans effet, ou, en tout cas, inopposable au liquidateur judiciaire.
Cette question n’est toutefois pas déterminante de la solution retenue par la Cour dans la mesure où le dirigeant, en continuant de représenter dans les faits la société, s’exposait, en tout état, à une condamnation au titre d’une direction de fait.
EN SYNTHÈSE
Le présent arrêt invite les dirigeants démissionnaires à prendre le soin d’accomplir dûment les formalités de publication de leur démission et à cesser effectivement toute fonction de direction à compter de celle-ci.
A défaut, et en cas de déconfiture de la société, leur démission serait impuissante à éloigner le spectre d’une condamnation au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.
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