La disproportion de l’engagement de caution : doit-on prendre en considération la valeur des parts sociales et d’un compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée
Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2016, n°13-28378
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoyait, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 mars 2016, que :
"Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation."
En l'espèce, deux associés d'une société se sont portés caution solidaire du remboursement de deux prêts consentis par la banque pour l'acquisition d’un fonds de commerce. Après la liquidation judiciaire de la société, la banque a poursuivi les cautions en exécution de leur engagement, mais les cautions lui ont opposé la disproportion de cet engagement par rapport à leurs biens et revenus.
La Cour d'appel était allée dans le sens des cautions et avait débouté la banque de ses demandes, en considérant que les parts sociales détenues par une caution (participations au capital de l’emprunteur ayant exploité le fonds de commerce en question) ainsi que son compte courant d'associé ne pouvaient pas entrer dans le périmètre des biens visés par l'article L. 341-4 du code de la consommation puisque l'engagement de caution a précisément pour fonction, dans l'hypothèse d'une défaillance de l'entreprise, de permettre au créancier de se retourner contre un débiteur solvable, lequel ne pouvait pas, en l'occurrence, valoriser les parts d'une entreprise ayant cessé ses paiements.
La Cour de cassation casse cet arrêt, en décidant que les "parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement."
Cette solution peut paraître bien sévère pour les cautions personnes physiques.
Pour autant, il faut la relativiser car, au moment de l’acquisition du fonds de commerce (ou au moment de sa création), les actifs de l’entreprise se trouvent, le plus souvent, contre balancés par les dettes liées au financement corrélatif, à moins qu’il existe des apports substantiels de la part des associés/actionnaires.
La valeur des participations peut donc s'en trouver amoindrie.
De la même façon, la valeur d’un compte courant peut constituer, dans certains cas de figure, une créance douteuse. Indépendamment, et lors de la mise en place de l’opération de financement, il est fréquent que la banque exige, parmi les garanties souscrites, un blocage du compte courant d’associé pendant une certaine période de temps.
Cette double discussion est assurément sérieuse et pourrait être de nature à infléchir, dans d’autres circonstances, la solution de principe adoptée par la Cour de Cassation et ci-dessus détaillée.
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